Présentation :
Ichrak BEN HAMMOUDA est tunisienne. Agrégée de lettres françaises, elle est actuellement doctorante à l’Université Paris 3 – Sorbonne Nouvelle en cotutelle avec l’Université de la Manouba en Tunisie et travaille sur les relations alliant littérature, musique et études de genre.
Ce que la Méditerranée signifie pour moi :
La Méditerranée est pour moi ce que porte déjà l’étymologie de son nom : un medius, ce qui se trouve au milieu. Au milieu des cultures, au milieu des langues, au milieu des rêves et des maux à la fois, la Méditerranée est pour moi un seuil sans frontières, la ligne qui distingue sans séparer, le confluent de deux univers si divergents et que je porte en même temps en moi. Ce medius est également pour moi un médium : médium identitaire, médium linguistique, médium onirique qui me rappelle à chaque fois que je suis des deux rives de la Méditerranée, par mon héritage comme par mes projets.
La Méditerranée c’est le soleil qui cajole, c’est la mer qui dorlote, c’est les inconnu.es qui t’accueillent comme l’un des leurs, c’est une explosion de couleurs, de textures et de goûts dans un saladier en céramique sur une table en bois d’olivier. La Méditerranée, c’est des voix qui chantonnent –un peu trop fort, pour certains-, des vies qui débordent d’énergie, de mouvement et d’humeurs badines. La Méditerranée c’est la légèreté d’un quotidien fait comme une carte postale, de petits clichés et de grandes histoires. La Méditerranée c’est un été éternel qui fait rêver les autres ; une mémoire de chair, bronzée, salée, vagabonde et toujours voltigeante.
La Méditerranée c’est aussi un choix, que je n’avais pas fait. Un choix de posture, qui dépasse la mosaïque de mon âme, et qui me demande à chaque fois de me justifier pour pouvoir aller voir ce qui se passe de l’autre côté. C’est alors que la Méditerranée prend parfois la forme d’un rempart, gigantesque, cruel, infranchissable. Et la mer devient océan, et l’océan devient un monstre qui avale les âmes que j’aime, à mon insu. Et la Méditerranée me rappelle dès lors que je suis toujours un autre, que je suis toujours l’autre, que je suis l’altérité même et que c’est peut-être pour cela que je me retrouve au medius de la terre.